31 août 2022

Confirmation et précision de jurisprudence : quand un entrepreneur fournit au maître de l’ouvrage du matériel défectueux, ce dernier ne peut pas agir contre l’entrepreneur sur le fondement de la garantie des vices cachés

PARTAGER

L’arrêt de la Cour de cassation éclaire également sur le point de départ du délai biennal de l’article 1648 du code civil.

En l’espèce, la société Engie, maître de l’ouvrage, avait confié à un entrepreneur la réalisation d’une centrale de production d’électricité photovoltaïque. Pour réaliser ces travaux, l’entrepreneur avait utilisé des connecteurs achetés auprès d’un fabricant. Des défaillances de ces connecteurs ont entraîné des interruptions de la production d’électricité, la société Engie a ainsi agi contre l’entrepreneur sur le fondement de la garantie des vices cachés.

La Cour d’appel de Versailles (CA 28 mai 2019) a satisfait à  la demande du maître d’ouvrage et a condamné l’entrepreneur sur ce fondement. La Cour d’appel a considéré que la prestation réalisée impliquait la fourniture de connecteurs, peu important que les parties soient liées par un contrat de louage d’ouvrage et non de vente.

L’entrepreneur a formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation censure ce raisonnement et confirme sa jurisprudence, sur le fondement de l’article 1641 du Code civil.

Elle considère que « dans leurs rapports directs, l’action en garantie des vices cachés n’est pas ouverte au maître de l’ouvrage contre l’entrepreneur ».

L’article 1641 du Code civil dispose que « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »

La Cour de cassation applique strictement cet article et refuse de l’appliquer au contrat de louage d’ouvrage dans le cas où l’entrepreneur fournit lui-même la matière.

Néanmoins, le maître de l’ouvrage n’est pas privé de toute action contre l’entrepreneur. Il peut agir contre lui en raison de la mauvaise exécution du contrat, à charge pour l’entrepreneur d’appeler en garantie le fabricant du matériel défectueux en invoquant la garantie des vices cachés.

Prescription dans les chaînes de contrats :

Par ailleurs, dans cet arrêt une précision est apportée sur le point de départ de la prescription dans les chaînes de contrats. En l’espèce la Cour de cassation considère que le recours en garantie dont dispose l’entrepreneur contre le fabricant sur le fondement de l’article 1648 du Code civil « court à compter de la date de l’assignation délivrée contre lui », et non pas à compter de la découverte du vice.

L’article 1648 dispose que « L’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. »

La solution reste respectueuse de la chaîne puisque c’est l’entrepreneur qui utilise l’action en vices cachés pour appeler en garantie le fabricant du produit défectueux. Le seul point de départ envisageable reste donc dans cette hypothèse précise, l’assignation introductive puisqu’avant cette date la société chargée de réaliser la centrale n’avait en tout état de cause pas connaissance du vice, seul le maître de l’ouvrage en ayant connaissance.

Cass. Com. 29 juin 2022

Inscrivez-vous à notre newsletter