C’est ce que vient de juger la Cour de Cassation.
Jusqu’à présent, le fabricant fournisseur de matériaux spécifiques, donnant des instructions précises au poseur de ses matériaux, était tenu sur le fondement de la responsabilité de droit commun. Il n’était pas considéré comme constructeur de l’ouvrage, ni comme une entreprise participant activement à la construction.
Par un arrêt du 28 février 2018, la Cour de cassation a jugé que le fournisseur de matériaux spécifiques prend la qualité de constructeur et doit ainsi répondre du désordre qui lui est imputable sur le fondement de la responsabilité décennale.
La Cour de cassation étend ainsi la responsabilité décennale à ce nouvel intervenant.
En l’espèce, un maître d’ouvrage commande du béton à un fabricant fournisseur. Ce dernier a fourni ses instructions techniques sur son produit à l’entreprise chargée de la pose de la dalle en béton intégré dans un ouvrage. Suite à la survenance de désordres, le fournisseur a été assigné par le maître d’œuvre en réparation du préjudice.
La Cour de cassation n’hésite pas à qualifier le fournisseur, présent sur le chantier lors du coulage du béton, de maître d’œuvre, en recourant à une appréciation in concreto de son mode d’intervention. Cette qualification est faite indépendamment de la nature du contrat conclu entre le fournisseur et le maître d’œuvre (il s’agissait en l’espèce d’un contrat de vente et non d’un contrat de louage d’ouvrage).
La qualité de « maître d’œuvre de fait » attribué au fournisseur de matériaux dépend pour la Cour de cassation de la nature des instructions données au poseur. En effet, la Cour a estimé que les matériaux fournis étaient très complexes et que les poseurs n’avaient pas l’habitude de les utiliser. Elle ajoute que les indications litigieuses étaient d’une précision et d’une technicité telles qu’elles ne s’apparentaient pas à un simple guide d’utilisation mais correspondaient plutôt à de véritables instructions, participant de la conception de l’ouvrage.
Dans les faits, le désordre n’avait pas pour origine une non-conformité ou un défaut au produit mais provenait des informations délivrées par le fournisseur de béton au poseur.
Il convient d’en déduire que le fournisseur de matériaux spécifiques et techniques est tenu d’une obligation d’information, de conseil et d’assistance à l’égard de son client, dont l’intensité dépend du niveau de compétence de ce dernier. Dans cette perspective, le fournisseur voit son obligation renforcée lorsque le produit est nouveau sur le marché.