La Cour de cassation est venue préciser que le droit de préemption du locataire commercial ne s’applique pas à l’immeuble vendu aux enchères.
Ainsi qu’on a pu le rappeler dans une précédente actualité, l’article L.145-46-1 du Code de commerce issu de la loi Pinel du 18 juin 2014 a instauré un droit de préemption au profit du locataire d’un bail commercial en cas de vente du local loué.
Dans sa décision du 17 mai 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation se penche sur les cas d’exclusion du droit de préemption du locataire commercial.
L’espèce commentée faisait état de deux circonstances particulières :
- Une adjudication amiable : suite à la dissolution anticipée d’une SCI, le liquidateur amiable sollicitait du juge l’autorisation de vendre amiablement l’immeuble dont elle était propriétaire ;
- Un ensemble immobilier : l’objet de la vente concernait non pas seulement un local commercial mais également un terrain nu, loué à d’autres sociétés.
Sur l’exclusion du preneur en cas de vente sur adjudication
Il est de jurisprudence constante qu’une vente judiciaire constatée par un jugement d’adjudication ne constitue pas un contrat réalisant ou constatant une vente au sens commun du terme (Civ. 2ème, 3 oct. 2002, n°00-18.395 ; CE, 27 oct. 1999, n°188685).
C’est dans cette optique que la Cour d’appel de Bastia avait déjà considéré que l’article L.145-46-1 du Code de commerce n’était pas applicable aux ventes forcées sur saisies immobilières, puisque le droit de préemption envisage une vente volontaire par le propriétaire, alors qu’elle est forcée en cas de saisie immobilière.
Néanmoins, la doctrine restait divisée sur la question de savoir si une adjudication amiable, qui comporte une part de volonté du propriétaire, devait être écartée ou non du champ d’application du droit de préemption.
Si le législateur prévoit parfois expressément l’articulation du droit de préemption avec la vente aux enchères (droit de préemption du locataire d’un bail d’habitation après division de l’immeuble, droit de préemption de la SAFER ou encore droit de préemption urbain), tel n’est pas le cas pour le locataire commercial ; la loi ne prévoyant nullement la façon d’informer le locataire sur le prix et les modalités de la vente, qu’il ne peut d’ailleurs pas connaître par avance au regard de la nature même de la vente sur adjudication.
La Cour de cassation a donc approuvé la Cour d’appel d’Aix en Provence qui a interprété strictement les dispositions afférentes au droit de préemption du locataire commercial pour l’exclure en cas de vente aux enchères.
Il y a lieu de penser qu’une telle solution a vocation à s’appliquer de la même façon aux cessions de gré à gré dans les cessions d’actifs isolés en matière de procédures collectives.
Sur l’exclusion du droit de préemption en cas de cession globale de l’immeuble comportant des locaux commerciaux
Le locataire s’opposait encore à la décision rendue par les juges aixois en considérant que l’article L.145-46-1 du Code de commerce n’exclut le droit de préemption qu’en cas de cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux.
Il se prévalait du fait que l’autre partie de l’immeuble loué était un terrain nu, lequel ne pouvait pas, selon le requérant, être assimilé à un local commercial et devait donc échapper à cette exclusion.
La Cour de cassation écarte cet argument, rappelant que le requérant n’était locataire que pour partie de l’ensemble immobilier mis en vente, le terrain ayant été donné à bail à d’autres sociétés ; de sorte que la cession globale de l’immeuble ne pouvait pas donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption.