L’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 30 mars 2022 apporte une nouvelle illustration de la nécessité pour l’employeur de prévoir des contreparties suffisantes au temps de trajet lorsque ce temps dépasse le temps habituel. Cette décision est ainsi l’occasion de rappeler les règles applicables en présence de salariés itinérants.
Selon l’article L. 3121-4 du Code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière.
Les juges du fond apprécient souverainement si le montant de la contrepartie financière unilatéralement fixé par l’employeur en application du Code du travail répond aux exigences de celui-ci.
Dans cette affaire, un syndicat contestait la contrepartie prévue unilatéralement par l’employeur pour compenser le dépassement du temps normal de trajet pour les salariés d’une unité économique et sociale (UES) ne travaillant pas habituellement dans leur agence de rattachement.
Saisie du litige, la Cour d’appel de PARIS avait considéré que les contreparties fixées unilatéralement par l’employeur étaient dérisoires en ce que la « franchise » c’est-à-dire le temps de déplacement excédentaire non indemnisé, de près de 2 heures, était trop importante. Elle ordonnait à l’employeur de prévoir un autre système.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’employeur et approuve en tout point le raisonnement adopté par les juges du fond.
- La circonstance que des salariés de l’UES ne travaillaient pas habituellement au sein de leur agence de rattachement ne dispensait pas leur employeur de respecter à leur égard les dispositions de l’article L 3121-4 du Code du travail. Autrement dit, l’employeur doit nécessairement déterminer un « temps normal de trajet » même en présence de salariés itinérants n’ayant pas de lieu de travail fixe.
- S’agissant d’un salarié itinérant, le lieu habituel de travail peut être celui où se situe son agence de rattachement, si tant est que celle-ci se situe à une distance raisonnable de son domicile, de façon que le temps de trajet ainsi déterminé soit équivalent au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d’un salarié dans la région considérée.
- C’est donc dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve, que la Cour d’appel a estimé que les compensations accordées par la société étaient déconnectées de ces temps normaux de trajet, la « franchise » de près de 2 heures étant trop importante.
- En conséquence, la Cour d’appel a le pouvoir d’ordonner à l’employeur de mettre en place un système de contreparties déterminées, région par région, en fonction du temps normal de trajet entre le domicile du salarié et le lieu habituel de travail tel que défini ci-avant.
L’équipe Social du Cabinet VAUBAN reste à votre disposition pour étudier plus avant la situation de votre entreprise afin de vous guider dans la détermination des contreparties au temps de déplacement.
Source : Cass. soc. 30-3-2022 n° 20-15.022 FS-B, Syndicat Avenir SopraSteria c/ Sté Sopra Steria Group