Par trois décisions rendues en formation plénière, le 13 juillet dernier, le Conseil d’Etat a précisé que les gains de « management package », résultant de l’attribution de bons de souscriptions d’actions (BSA) ou d’options d’achat ou de souscriptions d’actions en dehors du cadre légal des stock-options prévu aux articles L. 225-177 et suivants du Code de commerce, sont imposables dans la catégorie des traitements et salaires lorsqu’ils trouvent essentiellement leur source dans l’exercice par l’intéressé de ses fonctions de dirigeant ou de salarié (CE, 13 juillet 2021, n° 428506, 435452 et 437498).
Jusque-là, la catégorie d’imposition des gains issus d’un « management package », qui vise à aligner les intérêts des dirigeants et cadres supérieurs salariés d’une société sur les intérêts de ses actionnaires ou associés, avait donné lieu à peu de jurisprudence.
Madame Emilie BOKDAM-TOGNETTI, maître des requêtes au Conseil d’Etat et rapporteure publique dans le cadre de ces trois décisions, relève que « les dispositions des articles 80 bis, 80 quaterdecies, 163 bis C et 163 bis G du CGI ne s’appliquant pas, le juge de l’impôt ne peut s’en remettre, pour qualifier les gains issus de tels instruments et apprécier s’ils constituent un avantage accordé en sus du salaire au sens de l’article 82 du CGI, qu’à quelques principes simples ».
L’article 82 du Code général des impôts (CGI) classant comme salaire « tous les avantages en argent ou en nature » accordés aux salariés, Madame BOKDAM-TOGNETTI a relevé que « il faut que l’octroi d’un avantage puisse être identifié et que le revenu correspondant à cet avantage puisse être regardé comme trouvant sa source dans l’exercice par l’intéressé de ses fonctions de dirigeant ou de salarié et comme étant acquis en contrepartie de celles-ci ».
Dans ces trois affaires, qui portent sur des rectifications effectuées par l’administration fiscale au titre de l’exercice des cessions de titres acquis par des dirigeants dans le cadre de dispositifs de management package, le Conseil d’Etat a dégagé la règle de principe suivante :
« la circonstance que des options d’achat d’actions ou des bons de souscription d’actions ont été acquis ou souscrits à un prix préférentiel au regard de leur valeur réelle à la date de cette acquisition ou souscription est de nature à révéler l’existence d’un avantage à concurrence de la différence entre le prix ainsi acquitté et cette valeur. Un tel avantage, lorsqu’il trouve essentiellement sa source dans l’exercice par l’intéressé de ses fonctions de dirigeant ou salarié, a le caractère d’un avantage accordé en sus du salaire, imposable au titre de l’année d’acquisition ou de souscription des options ou des bons dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du code général des impôts ».
Au cas particulier, il convient de relever que le Conseil d’Etat confirme sa jurisprudence antérieure, selon laquelle le caractère préférentiel du prix qui a été acquitté en amont pour acquérir l’option ou le bon de souscription d’actions n’entre pas en ligne de compte pour déterminer la nature du gain réalisé lors de la levée de l’option ou de l’exercice du bon (CE ch.-r., 13 juillet 2021, n° 428506 ; CE 26 septembre 2014, n° 365573, RJF 12/14 n° 1099).
Par ailleurs, le Conseil d’Etat a rappelé le principe selon lequel les gains nets retirés par une personne physique de la cession à titre onéreux de bons de souscription d’actions, constituant des valeurs mobilières, sont imposables suivant le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières des particuliers institué par l’article 150-0 A du CGI.
Cependant, le Conseil d’Etat a jugé qu’il en va autrement, « lorsque, eu égard aux conditions de réalisation du gain de cession, ce gain doit être regardé comme acquis, non à raison de la qualité d’investisseur du cédant, mais en contrepartie de ses fonctions de salarié ou de dirigeant et constitue, ainsi, un revenu imposable dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du code général des impôts, réalisé et disponible l’année de la cession de ces bons » (CE ch.-r., 13 juillet 2021, n° 435452 et 437498).
De même, le Conseil d’Etat a jugé que « la qualification de gain en capital imposable selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières doit (…) être écarté lorsque l’intéressé a bénéficié d’un mécanisme lui garantissant, dès l’origine ou ultérieurement, le prix de cession de ces bons dans des conditions constituant une contrepartie de l’exercice de ses fonctions de dirigeant ou de salarié » (CE ch.-r., 13 juillet 2021, n° 437498).
En conclusion, les solutions prétoriennes dégagées par le biais de ces trois décisions rendues en formation plénière, qui viennent clarifier la jurisprudence antérieure, peuvent être résumées comme suit :
- Le gain résultant du prix préférentiel, c’est-à-dire le prix minoré par rapport à la valeur réelle, auquel ont été souscrits l’option d’achat des actions ou les bons de souscription d’actions, est imposable dans la catégorie des traitements et salaires lorsqu’il se rattache à l’exercice de fonctions de dirigeants ou salariées ;
- La plus-value résultant de l’exercice de l’option ou des bons de souscription d’actions ou de leur cession n’est imposable dans la catégorie des traitements et salaires que si elle trouve essentiellement sa source dans l’exercice des fonctions de dirigeant ou de salarié ;
- La qualification de gain en capital, imposable selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières, doit être écartée lorsque l’intéressé a bénéficié d’un mécanisme lui garantissant le prix de cession des bons de souscription d’actions dans des conditions constituant une contrepartie de l’exercice de fonctions de dirigeant ou de salarié.
Cependant, il n’en demeure pas moins que certains auteurs ne partagent pas les précisions apportées par le Conseil d’Etat.
Ces derniers dénoncent une tentative de stigmatisation, voire de diabolisation, des transmissions à effet de levier, notamment dans le cadre du « Leveraged buy-out » (LBO), par des solutions essentiellement prétoriennes apportées dans le silence de la loi « mais aux antipodes des réalités économiques[1] ». Nous demeurons à votre disposition pour tout complément d’information.
[1] Jean-Louis Médus, « Gains de management package : le tour de vis contestable du Conseil d’État », LexisNexis SA, Revue de droit fiscal n° 36, 9 Septembre 2021, comm. 354.