3 avril 2023

Quels sont les délais pour agir en garantie des vices cachés en matière de vente commerciale ?

PARTAGER

En matière de vente commerciale, réalisée entre commerçants ou entre un commerçant et un non commerçant, l’action en garantie des vices cachés a été enfermée par la jurisprudence dans un double délai : l’acquéreur doit agir dans le délai de deux ans de l’article 1648 alinéa 1 du Code civil, à compter de la découverte du vice ou de la date à laquelle il est censé en avoir connaissance, et dans le délai de cinq ans de l’article L 110-4 du Code de commerce.

La diverge jurisprudentielle concernant le point de départ du délai de cinq ans de l’article L 110-4 du Code de commerce :

Les chambres de la Cour de cassation ont une position divergente concernant le point de départ du délai de cinq ans de l’article L 110-4 du Code de commerce.

Pour la première chambre civile et la chambre commerciale, le délai de cinq ans de l’article L 110-4 du Code de commerce court à compter de la vente initiale.

C’est ainsi que par un arrêt du 8 avril 2021 rendu à l’occasion d’un litige né à la suite de la vente d’un véhicule, la première chambre civile a jugé que « l’action de l’acquéreur résultant de vices rédhibitoires doit être intenté contre son vendeur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, tout en étant enfermée dans le délai de la prescription quinquennale qui court à compter de la vente conclue entre les parties, peu importe que l’action du vendeur contre le fabricant soit prescrite. » (Civ. 1ère 8 avril 2021 n° 20-13.493)

Dans différents arrêts, la chambre commerciale a considéré que “l’action en garantie des vices cachés, même si elle doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription prévu par l’article L. 110-4 du Code de commerce, qui court à compter de la vente initiale » (notamment Cass. com. 16 janvier 2019, n° 17-21.477)

Pour la troisième chambre civile, le point de départ du délai est glissant et est fixé à la date de l’assignation de l’entrepreneur.

Ainsi, le point de départ des deux délais (2 ans ou 5 ans) se confondent. Le délai de cinq ans s’en trouve paralysé.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence sur le point de départ de la prescription dans un arrêt du 8 février 2023. (Civ. 3ème 8 février 2023 n° 21-20.271Civ. 3ème 16 février 2022 n° 20-19.047)

Rappel des faits :

Des propriétaires avaient mandaté un entrepreneur aux fins de travaux d’électricité-ventilation. Ce dernier avait fourni une VMC.

Après réception des travaux, en 2001, un incendie s’est déclaré dans les combles. .Après expertise, il s’est avéré que l’incendie a pour origine l’inflammation de la carte électronique composant le groupe VMC.

L’assureur des propriétaires avait engagé une procédure en 2014 contre, entre autres, l’entrepreneur qui a, dès 2015, appelé en garantie le fournisseur de la VMC qui a lui-même également, la même année, appelé en garantie le fabricant de la VMC litigieuse.

En 2021, la cour d’appel condamné l’entrepreneur, le fournisseur et le fabricant de la VMC.

Elle a considéré que le délai de recours de l’entrepreneur et des vendeurs successifs ne pouvait courir à compter de la vente initiale puisqu’à cette époque leurs responsabilités n’étaient pas encore engagées. Le délai de recours était donc suspendu.

Le fournisseur et le fabricant ont formé un pourvoi en cassation considérant que l’action en garantie des vices cachés de l’entrepreneur, devant être exercée dans le délai de 2 ans à compter de la découverte du vice, est enfermée dans le délai de prescription prévu par l’article L 110-4 du Code de commerce. 

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a confirmé la position de la Cour d’appel.

Elle juge que « l’entrepreneur ne pouvant pas agir contre le vendeur et le fabricant avant d’avoir été lui-même assigné par le maître de l’ouvrage, le point de départ du délai qui lui est imparti par l’article 1648 al.1 du Code civil est constitué par la date de sa propre assignation et que le délai de l’article L 110-4 du Code de commerce courant à compter de la vente est suspendu jusqu’à ce que sa responsabilité ait été recherché par le maître de l’ouvrage. »

Pour la troisième chambre civile, le délai de cinq ans de l’article L 110-4 du Code de commerce ne peut commencer à courir au jour de la vente initiale, sauf à porter une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge.

Le délai de 5 ans est donc considéré comme un délai d’action et non d’un délai butoir.

Les conséquences de cette divergence d’interprétation :

La Cour de cassation doit se réunir en chambre mixte, le 16 juin 2023, pour trancher cette divergence jurisprudentielle entre les chambres.

L’existence du double délai, création prétorienne, est critiqué par la Doctrine.

Celle-ci estime que le besoin de sécurité juridique du vendeur professionnel est assuré par le fait que l’action est enfermée dans le délai-butoir de droit commun de 20 ans conformément à l’article 2232 du Code civil.

Les rédacteurs de l’avant-projet de la réforme du droit des contrats spéciaux sont du même avis : ils n’utilisent pas l’article L110-4 du Code de commerce comme un délai butoir et écarte son application.

Le texte de l’article 1648 du Code civil envisagé dans l’avant-projet est le suivant :

            « Article 1648 : L’action résultant des vices se prescrit par deux ans.

            Ce délai commence à courir à compter du moment où l’acheteur a découvert ou aurait dû découvrir le vice, sans que l’action puisse être exercée au-delà du délai    fixé à l’article 2232.

            Toute clause contraire est réputée non écrite. »

Le service « droit commercial » ne manquera pas de vous faire connaître la position de la Chambre mixte et reste à votre disposition pour toutes informations complémentaires.

Inscrivez-vous à notre newsletter