15 mars 2023

COVID-19 : Interdiction pour le bailleur de mettre en œuvre une garantie autonome pendant la période protégée pour se faire régler ses loyers impayés

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Covid 19 et sûreté personnelle

La Cour de cassation précise que la garantie à première demande, donnée par une banque, pour garantir le paiement de loyers commerciaux, constitue une sûreté personnelle au sens de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020, de sorte qu’un bailleur ne pouvait la mettre en œuvre pour se faire régler ses loyers commerciaux impayés.

Rappel des règles

L’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 interdisait la mise en œuvre de toutes sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux pendant une période durant laquelle les mesures de police administrative entraînaient la fermeture de leur commerce

Que s'est-il passé ?

La SCI TOGAR a donné à bail à la société BOGGI FRANCE des locaux commerciaux à compter de mars 2018. Une banque consentait au bénéfice de la boutique de vêtements une garantie à première demande pour un montant de plus de 90.000€.

Pour le bailleur, la garantie autonome est un outil très intéressant, car sa mise en œuvre est autonome par rapport aux propres obligations du locataire. Le garant ne peut donc s’opposer au règlement au profit du bénéficiaire, sauf collusion entre le bénéficiaire et le donneur d’ordre ou abus manifeste dans la mise en œuvre de la garantie.

La locataire invoquait la fermeture de son commerce du fait des restrictions sanitaires décidées par les pouvoirs publics pour lutter contre l’épidémie de covid-19, ayant cessé de verser les loyers (pour s’élever au mois d’avril 2021 à près de 250.000€).

Pour tenter de contourner les dispositions légales venant paralyser les sanctions à l’encontre des locataires, la SCI a, le 7 avril 2021, demandé à la banque de lui régler le montant de la garantie autonome souscrite à son profit.

Le locataire s’y opposant, assignait par actes d’huissier du 19 avril 2021, sa bailleresse et la banque pour voir juger que la mise en œuvre de la garantie à première demande auprès de la banque constituait un trouble manifestement illicite qui justifiait qu’il soit fait interdiction à l’établissement bancaire de procéder au paiement auprès de la bailleresse.

La procédure devant le Juge des référés et la Cour d'appel

Moins d’une semaine après, le juge des référés faisait droit à ses demandes en soulignant toutefois que le règlement ne pourrait intervenir que deux mois après que la mesure de police administrative prévue à l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020 aurait pris fin.

Devant la Cour d’appel, la bailleresse continuait de soutenir que la garantie à première demande était indépendante de toute considération relative à la période dite protégée instaurée par l’article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020, à compter du 17 octobre 2020 et qu’une partie des loyers n’étaient pas incluse dans la période protégée.

La Cour d’appel confirme l’ordonnance du juge des référés en retenant que les conditions dans lesquelles la garantie a été mise en œuvre constituent bien un trouble manifestement illicite, de sorte que l’appel de la garantie constitue un abus manifeste du bénéficiaire et que le garant n’est pas tenu au paiement.

La SCI bailleresse forme alors un pourvoi en cassation, dont l’issue sera tout aussi décevante pour elle.

La position de la Cour de cassation

Le bailleur articule son recours sur l’étendue des pouvoirs du juge des référés notamment, lequel ne pourrait, selon lui, faire défense au garant de payer que s’il relève le caractère manifestement abusif ou frauduleux de l’appel de la garantie à première demande, ce qui n’était pas son cas.

La Cour, dans son arrêt du 25 janvier 2023, approuve la Cour d’appel et répond de façon très succincte que la garantie à première demande constitue bien une sûreté personnelle, de sorte que la cour d’appel a pu en déduire que sa mise en œuvre, en violation des dispositions spéciales prises lors de l’état d’urgence sanitaire, constituait un trouble manifestement illicite.

La particulière célérité avec laquelle le juge des référés a rendu sa décision (moins d’une semaine après l’assignation) tranche cependant avec la durée habituelle du procès civil, puisque le contentieux n’est finalement tranché que deux ans après, lorsque l’état d’urgence a été levé et que le bailleur peut désormais user de tous les moyens de droit à sa disposition.

Maître Céline André et son équipe restent à votre disposition pour toute information complémentaire.

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