23 octobre 2024

Faire travailler un salarié en arrêt maladie

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Faire travailler un salarié en arrêt maladie ou en congé maternité : quels risques pour l’employeur ?

Les périodes de congé maladie ou de maternité sont des moments clés où le contrat de travail est suspendu. Pourtant, certains employeurs méconnaissent les risques légaux encourus s’ils sollicitent leurs salariés pendant ces périodes.

Que dit exactement la loi sur ce sujet et quelles sont les conséquences pour l’employeur qui ne respecte pas ces règles ? Cet article vous éclaire sur les erreurs à éviter pour protéger à la fois votre entreprise et les droits de vos salariés.

salarié en arrêt maladie ou en congé maternité

Faire travailler un salarié en arrêt maladie ou pendant son congé maternité : Pourquoi l'employeur ne doit pas le demander ?

Le cadre légal est clair : pendant un arrêt de travail, qu’il soit pour maladie ou pour congé maternité, le contrat de travail est suspendu. Cela signifie que l’employeur ne peut demander au salarié d’accomplir ses tâches professionnelles, et le salarié n’a aucune obligation d’exécuter son travail.

Ce principe est fondé sur les articles L. 1225-17 et L. 1225-29 du Code du travail pour le congé maternité, et L. 4121-1 et suivants pour l’arrêt maladie.

La suspension vise à protéger la santé physique et mentale du salarié, une obligation de l’employeur renforcée par des textes européens tels que la directive 89/391/CEE. Toute demande de travail formulée par l’employeur pendant ces périodes viole donc cette suspension et est susceptible d’engager sa responsabilité.

Que se passe-t-il si l’employeur demande au salarié de travailler malgré tout ?

Il arrive que, par méconnaissance ou mauvaise gestion, l’employeur sollicite un salarié pendant son congé maternité ou arrêt maladie.

Une telle situation engage la responsabilité de l’employeur sur le volet santé-sécurité et se résout par l’allocation de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi par le salarié.

C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation le 4 septembre 2024 (n° 23-15.944) puis le 2 octobre 2024 (n°23-11.582).

Le salarié doit-il prouver un préjudice pour obtenir des dommages et intérêts en cas de sollicitation pendant un arrêt maladie ?

Depuis 2016, la Cour de cassation avait abandonné la jurisprudence antérieure relative au « préjudice nécessaire » et exigeait que le salarié prouve l’existence et l’étendue de son préjudice pour pouvoir prétendre à des dommages et intérêts.

Toutefois, la Haute Juridiction a reconnu au fil du temps certaines exceptions rares dans lesquelles le salarié n’était pas tenu de prouver son préjudice pour obtenir une indemnisation.

Par quatre arrêts rendus le 4 septembre 2024, la Cour de cassation introduit une nouvelle dérogation au principe établi en 2016.

Elle considère désormais que le fait d’occuper un salarié pendant un arrêt maladie ou un congé maternité constitue nécessairement un préjudice ouvrant droit à réparation.

Ainsi, la simple constatation du manquement de l’employeur à cette obligation suffit au juge pour accorder au salarié des dommages et intérêts, sans que celui-ci ait à démontrer l’existence d’un préjudice 

La même règle s'applique-t-elle pour un congé maternité ?

Oui, les règles sont identiques pour les congés maternité.

La Cour de cassation, dans un second arrêt rendu le même jour (n° 22-16.129), a affirmé qu’une salariée n’a pas besoin de prouver un préjudice pour obtenir réparation si elle est sollicitée pendant son congé maternité.

Ce régime de protection est renforcé par l’article 8 de la directive 92/85/CEE, visant à protéger la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes. L’employeur qui viole cette suspension s’expose aux mêmes sanctions que dans le cadre d’un arrêt maladie, même si la salariée n’a exécuté que des tâches ponctuelles ou mineures pendant cette période.

Quid du salarié qui travaille spontanément sans sollicitation de l’employeur ?

Dans la pratique, il peut arriver qu’un salarié, par zèle ou souci de performance, décide de travailler spontanément pendant son arrêt maladie ou congé maternité, sans y être invité par son employeur.

Dans ce cas, la responsabilité de l’employeur pourrait tout de même être engagée, surtout s’il n’a pas pris les mesures pour empêcher cette situation.

Il est donc conseillé aux employeurs, dès qu’ils ont connaissance de telles situations, de rappeler par écrit au salarié que le contrat de travail est suspendu et qu’il ne doit pas travailler pendant cette période. Il peut être utile de couper l’accès aux outils de travail (comme les emails professionnels ou les dossiers partagés) afin d’éviter toute ambiguïté sur le respect de la suspension du contrat.

A noter que la persistance du salarié dans cette voie est fautive et l’expose à des sanctions disciplinaires.

Lire également notre article : La faute du salarié : bien la qualifier pour mieux la sanctionner

Conclusion

La suspension du contrat de travail pendant un congé maternité ou un arrêt maladie est une obligation légale non négociable.

Les employeurs doivent donc faire preuve de vigilance pour ne pas solliciter de travail, même pour des tâches mineures, sous peine de s’exposer à des sanctions. La jurisprudence actuelle facilite la protection des droits des salariés en considérant que toute demande de travail pendant ces périodes créé un préjudice automatique, sans besoin de le prouver.

Par ailleurs, il est dans l’intérêt de l’employeur de surveiller toute initiative volontaire du salarié de travailler pendant ces suspensions, et de lui rappeler ses droits et obligations pendant ces périodes sensibles.

By Morgane Rouzier

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