1 mars 2023

Inaptitude et licenciement

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#Inaptitude et licenciement

Licenciement et inaptitude

Un salarié peut-il être licencié pour un autre motif que l’inaptitude ?

Par un arrêt du 8 février 2023, la Cour de cassation est venue apporter une réponse à cette question.

 

Que s'est-il passé ?

En l’espèce, un salarié, alors en arrêt maladie depuis plusieurs mois, a été convoqué, par lettre du 24 janvier 2017, à un entretien préalable, fixé le 7 février 2017, en vue d’un éventuel licenciement pour un motif disciplinaire.

Le salarié était cependant visité par un Médecin du travail, la veille dudit entretien, soit le 6 févier 2017, dans le cadre d’une visite de reprise.

C’est à cette occasion que le salarié a été déclaré inapte à son poste, suivant avis du 6 février 2017, lequel précisait que son reclassement, au sein de l’entreprise ou du groupe, n’était pas envisageable.

Ne tenant pas compte de cet avis d’inaptitude, l’employeur procédait au licenciement du salarié pour faute lourde le 16 février suivant.

Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.

Suivant un arrêt du 11 mars 2021, la Cour d’appel de Grenoble a débouté le salarié de ses demandes en considérant que le licenciement pour faute lourde était justifié.

Pour les juges du fond, la circonstance que l’inaptitude définitive du salarié à occuper son emploi, constatée par le Médecin du travail le 6 février 2017, ne privait pas l’employeur de se prévaloir d’une faute lourde qu’il a estimé devoir prononcer à l’issue de la procédure disciplinaire initiée le 24 janvier précédent. 

L'avis de la Cour de cassation : Impossibilité de licencier pour un autre motif que l'inaptitude du salarié

Tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui a cassé et annulé l’arrêt d’appel en rappelant en premier lieu que les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail relatifs au licenciement pour inaptitude sont d’ordre public et en tire les constats suivants :

  • « Selon le premier de ces textes, lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. »
  • « Selon le second, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. »

La Cour a basé sa décision sur le fait qu’« il en résulte que ces dispositions d’ordre public font obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, peu important que l’employeur ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause. »

Les conséquences : une procédure disciplinaire ne peut contrevenir à l'inaptitude du salarié

Il résulte de cet arrêt qu’une procédure disciplinaire ne saurait donc contrevenir aux dispositions sur l’inaptitude, et ce, peu important qu’elle soit antérieure au constat d’inaptitude.

L’employeur ne peut procéder au licenciement « pour une autre cause » que l’inaptitude.

Une telle décision apparaît pour le moins sévère pour l’employeur qui ne peut, en pareille circonstance, se prévaloir de faits graves commis par le salarié et pouvant pleinement justifier une rupture sans préavis ni indemnité de licenciement.

Cet arrêt, présenté comme un arrêt de principe, semble toutefois se heurter à la position précédemment adoptée par la Cour de cassation qui avait considéré, dans un arrêt du 15 septembre 2021, que l’employeur pouvait procéder au licenciement d’un salarié, pour motif économique, en raison de la cessation de son activité, alors même que le salarié avait été déclaré inapte au cours de la procédure.

Il est difficile à l’heure actuelle d’évaluer la portée de cet arrêt et de savoir si la Cour de cassation continuera d’admettre le licenciement pour motif économique en raison de la cessation d’activité comme une exception aux règles exposées supra.

Maître Geneviève Piat et son équipe restent à votre disposition pour toute précision complémentaire.

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