2 mai 2023

Harcèlement moral

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#Harcèlement moral

Harcèlement moral

Le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié qui a dénoncé des faits de harcèlement moral, mais qui ne les a pas qualifiés comme tels lors de sa dénonciation, est-il nul ?

Le législateur protège le salarié contre le licenciement en cas de dénonciation de faits de harcèlement.

Pour rappel, il résulte des articles L1152-1 et L1152-3 du Code du travail que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral bénéficie d’une protection contre le licenciement.

Cette protection est exclue en cas de mauvaise foi du salarié, laquelle ne peut résulter que de la fausseté des faits dénoncés et ne peut être déduite de la circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis. Tout licenciement lié à la dénonciation de faits de harcèlement moral est nul.

Le salarié doit-il expressément qualifier de « harcèlement moral » les faits dénoncés pour bénéficier d’une protection contre le licenciement ?

C’est à cette question qu’a répondu la Cour de cassation dans un arrêt du 19 avril 2023 (n°21-21.053).

En l’espèce, une salariée a dénoncé, par courrier auprès du Conseil d’administration, le comportement du directeur de foyer ayant entraîné, selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.

Elle a ensuite été licenciée pour faute grave en raison de cette dénonciation étant précisé que ni le courrier de dénonciation ni la lettre de licenciement ne contenait les termes « harcèlement moral ».

A la suite de son éviction, l’intéressée, estimant avoir subi et dénoncé des faits de harcélement moral, saisissait la juridiction prud’homale pour obtenir la nullité de son licenciement en se fondant sur l’article L 1152-2 du Code du travail et obtenait gain de cause devant la Cour d’appel de CAEN qui est venu confirmé la nullité de son licenciement

L’employeur s’est pourvu en Cassation.

Est-il nécessaire de qualifier les faits de harcèlement moral ?

Pour l’employeur, si le licenciement motivé par la dénonciation de faits de harcèlement moral est en principe nul, sauf mauvaise foi du salarié, c’est à la condition qu’il soit effectivement reproché au salarié d’avoir dénoncé l’existence de faits de  »harcèlement moral », ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Ainsi, il se fondait sur la jurisprudence antérieure.

Tel ne fut pas l’avis de la Cour de cassation qui approuve le raisonnement des juges du fond, abandonnant ainsi sa jurisprudence antérieure selon laquelle la protection contre le licenciement dont bénéficie le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne joue que s’il les qualifie comme tel.

Elle justifie sa position de la manière suivante :

« 13. D’abord, ayant constaté, hors toute dénaturation, que la lettre de licenciement reprochait à la salariée d’avoir adressé à des membres du conseil d’administration de l’AIFST, le 26 février 2018, une lettre pour dénoncer le comportement du directeur du foyer du [4] en l’illustrant de plusieurs faits ayant entraîné, selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, de sorte que l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que, par cette lettre, la salariée dénonçait des faits de harcèlement moral, la cour d’appel a pu retenir que le grief énoncé dans la lettre de licenciement était pris de la relation d’agissements de harcèlement moral.

  1. Ensuite, ayant estimé que la mauvaise foi de la salariée n’était pas démontrée, la cour d’appel en a déduit à bon droit que le grief tiré de la relation par l’intéressée d’agissements de harcèlement moral emportait à lui seul la nullité du licenciement. »

En d’autres termes, sauf mauvaise foi, le salarié est désormais protégé contre le licenciement en raison de faits constitutifs de harcèlement moral qu’il a dénoncés, même si ce dernier ne les a pas qualifiés comme tels.

Pour les juges, l’employeur ne pouvait ignorer que les faits dénoncés constituaient un harcèlement moral.

Vers une insécurité juridique ...

En laissant à la libre appréciation des juges du fond d’interpréter les écrits du salarié, cette décision se révèlera, inévitablement, source d’insécurité juridique pour les employeurs et ouvrira la voie à de nouveaux contentieux sur le sujet.

Sans doute la Cour aurait-elle tenu le même raisonnement en se plaçant sur le terrain du lanceur d’alerte.

By Morgane Rouzier

Maître Geneviève Piat et son équipe restent à votre disposition pour toute précision complémentaire.

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