6 juin 2025

Présomption de démission : que faire lorsque le salarié est protégé ?

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La loi du 21 décembre 2022, dite « Marché du travail », a introduit le mécanisme de la présomption de démission dans les articles L1237-1-1 et R1237-13 du Code du travail. Un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris revient sur la situation particulière des salariés protégés.

Présomption de démission

Rappel du principe général de la présomption de démission

Pour rappel, le Code du travail prévoit désormais qu’un employeur peut considérer qu’un salarié ayant abandonné son poste sans justification a démissionné.

Pour ce faire, il doit d’abord constater l’absence injustifiée du salarié, puis lui adresser une mise en demeure par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge en lui demandant de justifier son absence et de reprendre le travail dans un délai qu’il fixe et qui doit être au minimum de 15 jours.

À la réception de ce courrier, le salarié doit fournir dans le délai précité un motif légitime de nature à empêcher que son absence soit assimilée à une démission. Il peut s’agir, par exemple, de raisons médicales, de l’exercice du droit de grève ou du droit de retrait, du refus d’exécuter un ordre contraire à la réglementation, ou encore du refus d’une modification de son contrat imposée par l’employeur.

En l’absence de justification suffisante, le salarié pourra être considéré comme démissionnaire.

La situation particulière du salarié protégé

Un doute subsistait jusqu’à présent concernant l’application de cette présomption aux salariés protégés, c’est-à-dire ceux bénéficiant d’un statut particulier en raison de leur mandat (représentants du personnel, membres de commissions ou d’organismes représentatifs, etc.).

En principe, le licenciement d’un salarié protégé nécessite l’autorisation préalable de l’inspection du travail (après consultation du CSE selon le mandat du salarié). En revanche, cette autorisation n’est pas requise en cas de démission, puisque l’initiative de la rupture vient du salarié lui-même.

Mais qu’en est-il de la présomption de démission ? En effet, celle-ci s’apparente à une démission mais est encadrée par une procédure mise en œuvre par l’employeur.  

Dès lors, se posait la question de la nécessité d’effectuer une demande d’autorisation préalable auprès de l’Inspecteur du travail.

L'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 6 mars 2025

Dans un arrêt du 6 mars 2025, la cour d’appel de Paris a répondu à cette interrogation pour la première fois, en prononçant la nullité d’une présomption de démission appliquée à un salarié protégé, faute pour l’employeur d’avoir obtenu l’autorisation de l’inspection du travail (CA Paris, 6 mars 2025, n°24/02319).

Dans cette affaire, un salarié protégé avait fait l’objet de plusieurs tentatives de licenciement, toutes refusées par l’inspection du travail. Lors de la dernière procédure, l’employeur l’avait placé en mise à pied conservatoire, dans l’attente d’un éventuel licenciement pour faute. Mais une fois encore, l’administration avait refusé d’autoriser la rupture.

L’employeur invite alors le salarié à reprendre son poste. Ce dernier s’y oppose, indiquant qu’il attend une « date de réintégration » pour pouvoir, selon lui, reprendre le travail. En réponse, l’employeur lui adresse une mise en demeure de justifier son absence et de reprendre le travail dans un certain délai, faute de quoi il serait considéré comme démissionnaire.

N’ayant fourni aucune justification valable dans le temps imparti, le salarié est alors réputé avoir démissionné, et l’employeur procède à la rupture de son contrat.

Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes, dans le cadre de la procédure accélérée prévue à cet effet, pour contester cette décision et demander sa réintégration. Il a obtenu gain de cause, et l’affaire a ensuite été portée devant la cour d’appel de Paris, qui a confirmé la décision de première instance.

La cour structure son raisonnement en trois étapes :

  1. Elle reconnaît que le salarié n’a pas justifié son absence par un motif légitime, ce qui aurait pu permettre de présumer une démission.
  2. Elle rappelle qu’en principe, une démission ne nécessite pas l’autorisation de l’inspection du travail.
  3. Mais elle souligne que dans le cadre de la présomption de démission, la rupture du contrat repose également sur une initiative de l’employeur, ce qui retire à cette « démission » son caractère purement volontaire. Elle en conclut qu’une autorisation administrative était bien nécessaire.

En conséquence, la cour annule la rupture du contrat malgré l’absence de justification du salarié, et fait droit à sa demande.

Une évolution à suivre avec attention

Si la Cour de cassation venait à confirmer cette interprétation, il faudrait alors impérativement obtenir l’accord préalable de l’inspection du travail avant de mettre fin au contrat d’un salarié protégé sur le fondement de la présomption de démission. Cette autorisation devrait de même être précédée de l’audition de l’intéressé devant le CSE si son mandat correspond à l’un de ceux concernés par ce dispositif (exemple : cas d’un élu du CSE)

Dans l’attente de cette décision, la prudence semble donc de mise et il est vivement recommandé, pour les employeurs, de solliciter systématiquement cette autorisation lorsqu’ils envisagent d’utiliser ce dispositif à l’égard d’un salarié protégé voire de se placer directement sur le terrain de la faute disciplinaire et de demander pour ce motif, l’autorisation de licenciement.

Pour sécuriser vos démarches et éviter tout risque juridique, nos équipes sont à votre disposition pour vous accompagner pas à pas : n’hésitez pas à nous contacter pour un conseil personnalisé adapté à votre situation.

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