15 mai 2023

Peut-on se fonder sur la géolocalisation pour licencier un salarié ?

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Cette interrogation engendre une seconde question : Le droit de la preuve, essentiel à la manifestation de la vérité, surplombe-t-il le droit à la vie privée du salarié ?

Les juges de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 22 mars 2023, se sont penchés sur la question.

Géolocalisation et licenciement

Geolocalisation et licenciement : Ce qu’il s’est passé.

Un salarié, engagé en qualité de chauffeur, a été sanctionné d’une mise à pied disciplinaire puis licencié pour faute grave pour avoir utilisé, à plusieurs reprises, le véhicule professionnel mis à sa disposition, pour des déplacements purement personnels en dehors de son temps de travail.

Grace au système de géolocalisation, l’employeur a constaté que le salarié avait utilisé le véhicule professionnel à raison de plus de 250 km par jour, impactant l’état général du camion et son usure, mais également la santé du salarié, en raison de la fatigue occasionnée.

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour contester la sanction disciplinaire et la rupture de son contrat de travail et solliciter diverses sommes consécutives en invoquant principalement que le moyen de preuve tiré de la géolocalisation était illicite.

La position de la Cour d’appel d’Amiens

La Cour d’appel d’AMIENS a donné raison à l’employeur en retenant que la violation délibérée des procédures internes et de la perte de confiance de l’employeur dans le sérieux du salarié à accomplir ses tâches était une faute suffisamment grave au vu de leur réitération.

Le salarié s’est pourvu en cassation.

La géolocation du salarié condamnée par la Cour de cassation

La Cour de cassation n’a pas suivi le raisonnement de la Cour d’appel d’AMIENS.

Elle rappelle tout d’abord, et notamment sur le fondement de l’art. 6 CESDH, que la géolocalisation avait été mise en place pour lutter contre le vol et vérifier le kilométrage du véhicule.

Dès lors, en collectant des données en dehors du travail, elles étaient illicites, ce dont l’employeur ne pouvait se prévaloir sans porter atteinte à la vie privée du salarié.

Elle rappelle ensuite que la Cour d’appel ne pouvait pas admettre ce mode de preuve sans vérifier si son utilisation portait atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie privée du salarié et le droit à la preuve, l’employeur pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée de son salarié, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

L’arrêt d’appel est donc cassé par la Haute juridiction, à charge pour la Cour d’appel de renvoi de se prononcer sur le fait de savoir si ce mode de preuve peut être admis au regard de la règle rappelée ci-avant.

La portée de l’arrêt et application similaire à la vidéosurveillance

Il convient de noter que la jurisprudence de la Cour de cassation tend de plus en plus vers un renforcement du droit de la preuve y compris lorsque d’autres droits fondamentaux, dont le droit à la vie privée, sont en concours.

Cette reconnaissance a également bousculé le principe de loyauté dans l’administration de la preuve, la production en justice de preuves illicites n’étant désormais plus systématiquement exclue.

Le même raisonnement est adopté en matière de vidéosurveillance.

En effet, la production de données issues des caméras de vidéosurveillance peut être admise, en dépit de leur caractère illicite, si ces données sont indispensables à l’exercice du droit de la preuve et que l’atteinte est proportionnée au but poursuivi. (Soc. 8 mars 2023, n°20-21.848, FS-B, n°21-17.802)

La prudence reste cependant de mise pour les employeurs désirant se prévaloir de telles données pour justifier une sanction disciplinaire ou un licenciement.

Le Cabinet VAUBAN reste à votre disposition pour vous accompagner dans ces démarches ou pour toute précision complémentaire sur ces arrêts.

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