22 avril 2024

Renouvellement bail commercial : la fixation du loyer

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Renouvellement bail commercial et fixation loyer

La compréhension du mécanisme de renouvellement d’un bail commercial, ainsi que la pleine appréhension de l’ensemble des droits qui vous sont conférés en tant que locataire, peuvent s’avérer être des sujets complexes.

Face à cette réalité, l’objectif de cet article est de fournir une explication claire des modalités de renouvellement d’un bail, en accordant une attention toute particulière aux règles encadrant la détermination du loyer, un élément central et déterminant pour chacune des parties au contrat.

Par définition, le bail commercial est un contrat par lequel un bailleur loue un local destiné à l’exploitation d’un fonds de commerce à un preneur, moyennant le paiement d’un loyer. Le régime du bail commercial, dont la plupart des dispositions sont d’ordre public (c’est-à-dire qu’il n’est pas possible de prévoir des dispositions contraires au sein du contrat), est prévu aux articles L145-1 et suivants du Code de commerce.

Empreint d’une certaine singularité, le statut des baux commerciaux est un statut dérogatoire au droit commun du bail car il vous confère, en tant que locataire, un « droit à la propriété commerciale ». En effet, il s’agit d’un régime particulièrement protecteur dès lors que vous pouvez bénéficier, à l’échéance du contrat, d’un droit au renouvellement du bail ou, à défaut, et en dehors des exceptions prévues par le Code de commerce, au paiement d’une indemnité d’éviction.

L’indemnité d’éviction correspond à une compensation financière obligatoirement versée par le bailleur en cas de non-renouvellement et a pour objectif de compenser le préjudice subi du fait de l’éviction.

La raison d’être d’un tel droit réside dans la volonté du législateur de protéger l’activité économique du locataire, et cela en consolidant sa position dans les locaux qu’il occupe. En effet, le local est un élément indispensable à l’exploitation de votre fonds de commerce.

Comment fonctionne concrètement le renouvellement du bail commercial ?

Le bail commercial est un contrat à durée déterminée, en principe conclu pour neuf ans : « la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans » (article L145-4 du Code de commerce).

Bien que cette durée minimale de neuf ans constitue la norme, la loi prévoit des exceptions permettant d’adapter le bail commercial à des situations particulières (baux dérogatoires, convention d’occupation précaire). En outre, le bail commercial peut également être conclu pour une durée plus longue.

Ainsi, ce n‘est qu’au terme de ces neuf années que s’opère, en théorie, le renouvellement du bail commercial. Toutefois, ledit renouvellement n’est pas automatique, ce qui requiert d’envisager plusieurs situations pour bien en saisir les contours.   

  • D’une part, il convient de préciser qu’en l’absence de démarche par l’une ou l’autre des parties à l’échéance du contrat, le bail commercial est tacitement reconduit pour une durée indéterminée, en application de l’article L145-9 du Code de commerce.
  • Outre ce premier cas de figure, chaque partie, locataire comme bailleur, peuvent initier le processus de renouvellement du bail en respectant certaines formalités. Pour ce faire, la partie qui demande le renouvellement doit adresser une offre de congé avec demande de renouvellement, soit dans les six mois précédant l’expiration du bail initial, soit à tout moment durant la reconduction tacite.

    [Lire également notre article : La demande de renouvellement à l’initiative du locataire.]
  • Dans l’éventualité où le bailleur décide de ne pas renouveler votre contrat, celui-ci est alors dans l’obligation de verser une indemnité d’éviction, dont le montant correspond à la valeur marchande du fonds de commerce. Le versement de cette indemnité vaut exercice du droit au renouvellement du bail et peut comprendre une indemnité principale, qui correspond à une indemnité de remplacement ou de transfert du fonds de commerce, ainsi que des indemnités accessoires.

Le saviez-vous : Attention cependant, lorsque le bailleur émet une offre de renouvellement mais à des conditions différentes du bail initialement conclu, la Cour de cassation considère, depuis une décision du 11 janvier 2024, que cela vaut refus de renouvellement.

[Lire également notre articleL’offre de renouvellement à des clauses et conditions différentes du bail expiré vaut congé avec refus de renouvellement.]

Comment est calculé le loyer du bail renouvelé ?

Bien que vous et votre bailleur puissiez trouver un terrain d’entente sur le principe du renouvellement du bail, il est fréquent que la fixation du montant du loyer demeure une question non résolue.

En ce sens, l’article 145-33 du Code de commerce dispose que « le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative ». Cette notion de valeur locative, quoique non précisément définie par les textes, est communément interprétée comme le revenu potentiel découlant de la mise en location d’un bien immobilier.

En vue d’encadrer le processus d’évaluation de la valeur locative et de garantir une estimation fidèle et objective en adéquation avec les réalités du marché, le législateur a mis en place un ensemble de critères. Ces derniers englobent une variété de facteurs, incluant :

  1. Les caractéristiques du local
  2. La destination des lieux
  3. Les obligations contractuelles des parties
  4. Les facteurs locaux de commercialité
  5. Les prix couramment pratiqués dans le voisinage

Par conséquent, c’est en considération de l’ensemble de ces différents éléments que doit être déterminé le loyer du bail renouvelé.

Toutefois, conformément aux dispositions de l’article L145-34 du Code de commerce, et sous réserve des exceptions énoncées au sein dudit article, le loyer du bail renouvelé est sujet à un plafonnement. Cela implique que le montant défini en référence à cette valeur locative ne saurait excéder un certain seuil. En revanche, cette règle de plafonnement ne revêt pas un caractère d’ordre public, le contrat peut parfaitement prévoir une clause contraire.

De ce fait, le calcul du loyer du bail renouvelé plafonné s’effectue de la manière suivante : l’article L145-34 du Code de commerce dispose que « à défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié ».

En d’autres termes, cela signifie que :

  • Dans un premier temps, il est nécessaire d’examiner le contrat afin de déterminer s’il contient un indice de référence.
  • Dans un second temps, et uniquement en l’absence d’indice de référence stipulé au contrat, il faut se référer au dernier indice rendu public à la date de renouvellement du bail. En fonction de l’activité exercée, l’indice peut correspondre soit à l’Indice Trimestriel des Loyers Commerciaux (ILC), soit à l’Indice Trimestriel des loyers des Activités Tertiaires (ILAT). Pour information, ces indices sont calculés chaque trimestre et publiés par l’INSEE.
  • Puis, il faut prendre en compte l’indice trimestriel publié neuf ans avant l’indice de référence mentionné ci-dessus.

Montant du loyer renouvelé =

(Loyer en cours (loyer du bail initial) X dernier indice trimestriel publié (ILAT ou ILC)) / indice publié 9 ans antérieurement au dernier indice trimestriel mentionné ci-dessus

Toutefois, votre bailleur est en droit de solliciter l’exclusion de l’application de la règle de plafonnement. Il demandera alors un déplafonnement du loyer.

En quoi consiste le déplafonnement du loyer ?

Le déplafonnement du loyer permet de fixer le montant du loyer du bail renouvelé uniquement en considération de la valeur locative, sans avoir à prendre en compte la règle de plafonnement. Néanmoins, l’article L145-34 du Code de commerce précise que la variation du loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente. Cette règle n’est pas d’ordre public et peut faire l’objet d’une dérogation par les parties.

Les cas de déplafonnement du loyer sont les suivants :

  • La durée du bail initial est supérieure à 9 ans :

Si la durée du bail initialement conclu dépasse 9 années, le loyer du bail renouvelé est déplafonné de plein droit.

  • Le bail a plus de 12 ans: 

Si la durée de la relation contractuelle à laquelle il a été mis fin par l’effet du congé ou de la demande de renouvellement s’étend au-delà d’une durée de 12 ans par tacite prolongation, le loyer du bail renouvelé est également déplafonné de plein droit.

  • La modification notable des éléments 1° à 4° de l’article 145-33 du Code de commerce,

 Il s’agit des caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, et les facteurs locaux de commercialité.

La modification notable doit être réelle, significative et doit être intervenue au cours du bail expiré.

En outre, la jurisprudence a reconnu que pour qu’une modification notable puisse justifier un déplafonnement du loyer, cette dernière doit s’avérer bénéfique pour l’activité du locataire. Autrement dit, cela signifie que pour qu’un déplafonnement soit envisageable, une évolution favorable des éléments liés à votre activité doit être constatée. Dans ce contexte, la charge de la preuve de cette modification incombe à votre bailleur.

A titre d’exemple, l’élargissement de la destination d’un bail, initialement conçu pour l’exploitation d’un bar mais ultérieurement étendu à une activité de restauration-hôtellerie, constitue une modification significative qui profite à l’activité du locataire. Par conséquent, dans de telles circonstances, le loyer devra être déterminé sans application du plafonnement (Cass. 3e civ 18 janvier 2012).

En cas de contentieux sur le calcul du loyer du bail renouvelé, c’est le juge des loyers commerciaux qui est compétent. Ce dernier doit être saisi dans un délai de 2 ans, le point de départ de cette prescription étant la date d’effet du nouveau bail.

Il importe également de souligner que la fixation du loyer du bail renouvelé peut faire l’objet d’une clause au contrat. Dès lors, le montant du loyer applicable au bail renouvelé devra être déterminé conformément aux termes de ladite clause.

Dans cette configuration, l’intervention du juge des loyers commerciaux dans la fixation du loyer du bail renouvelé se trouve, en principe, exclue, sauf disposition contraire au sein du contrat.

Quid du cas où le contrat prévoit une clause d’indexation du loyer ?

Il est très probable que votre contrat inclue une clause d’indexation, également connue sous le nom de clause d’échelle mobile.

Cette disposition contractuelle vous permet, en tant que locataire, ainsi qu’à votre bailleur, de convenir d’ajuster le montant du loyer en fonction d’un indice spécifique et selon une périodicité déterminée mutuellement.

En théorie, cette clause s’applique automatiquement à la date prévue pour son déclenchement, sans que vous ayez besoin d’en solliciter l’exécution. Par exemple, en pratique, il est souvent prévu une clause avec une périodicité annuelle à la date d’anniversaire du bail. Cette périodicité, ainsi que son application automatique, constituent des conditions de validité de la clause d’indexation.

En ce qui concerne l’indice, les parties sont libres de sélectionner celui de leur choix pour la révision des loyers, sous réserve que ce dernier présente un lien direct avec l’activité exercée en vertu du bail, conformément à l’article L112-2 du Code monétaire et financier. Ainsi, il est possible de convenir de l’application de l’Indice du Coût de la Construction (ICC), de l’Indice des Loyers Commerciaux (ILC), ou encore de l’Indice des Loyers des Activités Tertiaires (ILAT).

Néanmoins, il convient de préciser que dans le cadre du calcul du loyer du bail renouvelé, seul l’Indice des Loyers Commerciaux (ILC) ou l’Indice des Loyers des Activités Tertiaires (ILAT) peuvent être pris en compte. Cette règle résulte de l’entrée en vigueur de la loi Pinel du 18 juin 2014, qui, tout en supprimant l’ICC comme indice de référence pour la révision triennale et le calcul du loyer du bail renouvelé, n’interdit pas pour autant son utilisation dans le cadre de la clause d’indexation.

Par conséquent, dans l’hypothèse où la clause d’indexation insérée dans le contrat de bail fait référence à l’ICC, cet indice sera écarté lors de la détermination du loyer du bail renouvelé au profit de l’ILC ou de l’ILAT.

Compte tenu de l’évolution plus soutenue de l’ICC que l’ILC ou l’ILAT, le montant du loyer du bail renouvelé sera mécaniquement inférieur à celui qui avait été indexé selon les termes initiaux du contrat.

Lire également notre article : Hausse de l’ICC : Locataire, il est temps de faire baisser votre loyer !

Cette règle souvent méconnue par le preneur est pourtant une réelle opportunité pour celui-ci de baisser le montant de son loyer au moment du renouvellement.

By Céline André

Maître Céline André et son équipe restent à votre disposition pour toute information complémentaire.

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