13 février 2024

Financement d’entreprise sans concours bancaire

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L’administration fiscale a récemment publié le taux d’intérêt maximum déductible des avances en compte-courants d’associés pour les sociétés soumises à l’IS et clôturant leur exercice social le 31 décembre 2023.

Ce taux est fixé 5,57% alors qu’il était de 2,27% pour les exercices sociaux clos le 31 décembre 2022, soit une augmentation de 3,3 points en seulement un an !

La hausse sensible de ce taux d’intérêt maximum déductible redonne de l’attractivité à ce mode de financement, que ce soit pour les sociétés holdings pour le financement de leurs filiales, ou pour les personnes physiques qui souhaitent mettre leurs disponibilités à profit pour le financement des entreprises dont ils sont actionnaires. 

En outre, la hausse des taux bancaires rend parfois l’accès au crédit plus difficile pour certaines entreprises.

C’est donc pour nous l’occasion de vous présenter les modes de financement alternatifs dont dispose votre entreprise. 

Quelles sont les possibilités de financer mon entreprise en dérogeant au monopole bancaire ?

Seuls les établissements de crédit ou les sociétés de financement ont la possibilité d’effectuer des opérations de crédit à titre habituel (article L511-5 du code monétaire et financier).

Par dérogation à ce monopole les entreprises peuvent avoir recours à titre accessoire à deux types de financement expressément prévus par le même code :

Comment faire des avances de trésorerie au sein d’un groupe ?​

Encadrée par l’article 511-7.3 du Code monétaire et financier, les avances de trésorerie au sein des groupes sont possibles au travers de deux dispositifs :

Le financement intragroupe regroupe les différentes opérations de trésorerie qui permettent de mettre à disposition l’excédent de trésorerie d’une société au profit d’une autre société du même groupe.

Les conditions du financement intragroupe sont libres : les sociétés concernées peuvent librement choisir le montant mis à disposition, la durée du remboursement, le taux d’intérêt.

Attention à l’acte anormal de gestion : L’avance intra-groupe doit répondre à un intérêt économique, social ou financier afin d’éviter d’être requalifiée par l’administration fiscale en acte anormal de gestion ou constituer sur le plan pénal un abus de biens sociaux.

Ainsi, les avances consenties par une société à sa sœur, sous couvert d’une convention de trésorerie, sont constitutives d’un acte anormal de gestion, dès lors qu’elles ont eu pour seul objectif d’éviter à l’associé commun de financer lui-même les besoins de trésorerie de la société bénéficiaire de l’aide, en sa qualité de caution solidaire.

Le prêt intragroupe

Les particularités du prêt intragroupe

Inscrit au compte 451 « Groupe » de votre bilan comptable, ce prêt a la particularité de n’être accordé que par des personnes morales appartenant nécessairement à un même groupe de sociétés.

Sont donc autorisés les opérations entre :

  • Société mère et filiale,
  • Société mère et sous-filiale sous contrôle effectif de la société mère,
  • Sociétés sœurs y compris si elles n’ont aucun lien de capital entre elles mais sont sous le contrôle de la même société mère,
  • Toutes les sociétés dès lors que l’organisation du groupe permet de les rattacher à une même société contrôlante.

Comment est remboursé le prêt intragroupe ?

Le prêt intragroupe peut être remboursé de manière libre et selon les conditions définies au sein de la convention de prêt.

Il s’agit à l’instar d’un prêt bancaire :

  • d’un remboursement périodique avec capitalisation des intérêts, ou
  • d’un remboursement in fine.

Un décalage d’amortissement peut être prévu.

C’est vraiment la liberté contractuelle qui prévaut sous réserve du respect de l’intérêt social. A nouveau, le risque d’abus de droit ne doit jamais être écarté.  

Comment est rémunérée la société qui consent à un prêt intragroupe ?

Comme tout prêt, la société qui consent à réaliser un prêt à une autre société du même groupe sera rémunérée par le versement d’un intérêt.

La rémunération est obligatoire afin d’éviter certains écueils juridiques ou fiscaux.

La rémunération versée à la société qui réalise l’avance en trésorerie doit être au moins égale à celle qu’elle pourrait obtenir en plaçant directement les fonds auprès d’une banque.

Également, les sociétés emprunteuses ne doivent pas consentir au paiement d’un taux d’intérêt qui serait supérieur à celui qu’elles pourraient obtenir auprès de leurs partenaires bancaires.

L’avance doit respecter les interdictions légales de l’article L225-216 du Code de commerce précisant « qu’une société ne peut avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une sûreté en vue de la souscription ou de l’achat de ses propres actions par un tiers » (y compris lorsque le bénéficiaire de l’avance est la société mère de l’entreprise prêteuse dans le cadre d’un rachat de titres d’un minoritaire).

Le compte courant d'associés

Les particularités du compte courant d'associés

Retrouvé à l’article L. 312-2 du Code monétaire et financier et au compte 455 « Associés – Comptes courants » des bilans comptables des sociétés civiles et commerciales qui y ont recours, les comptes courants d’associé peuvent être consentis par :

  • Les associés de la société, personnes physiques ou morales,
  • Les mandataires sociaux de la société, personnes physiques ou morales,
  • Les salariés de la société qui bénéficient de l’avance, même s’ils n’ont pas la qualité d’associé, mais dans la limite de 10 % des capitaux propres.

Contrairement au prêt intragroupe, les personnes physiques peuvent réaliser des avances en compte courant d’associé.

La loi Pacte du 22 mai 2019 et le décret du 24 mai 2019 sont venus apporter des changements à la pratique de l’avance en compte courant d’associé :

  • Suppression à l’article L. 312-2 du Code monétaire et financier, des mots « détenant au moins 5 % du capital » afin que l’avance puisse être consentie par tout associé ou actionnaire.
  • Est précisé la validité de l’apport en compte courant pour les directeurs généraux et directeurs généraux délégués de SA et de SAS ainsi que pour les présidents de SAS.

Réciproquement, une société peut-elle faire une avance à une personne physique ?

Non, comme l’indique l’article L223-21 du Code de commerce, une telle opération est interdite.

On dit qu’un compte courant d’associé ne peut être « débiteur ».

Particulièrement, il est interdit aux dirigeants et associés personnes physiques d’une SARL, d’une SA ou d’une SAS de se voir consentir une avance par la société.

Comment est remboursé le compte courant d'associé ?

  • Le principe de l’éligibilité immédiate :

Le compte courant d’associé est soumis au principe du droit au remboursement immédiat.

Ainsi, la personne ayant consenti une avance en compte courant à durée indéterminée, peut faire une demande de remboursement à tout moment.

Cependant, l’avance en compte courant peut tout à fait être consentie à durée déterminée.

Ainsi, l’associé s’engage à respecter un terme avant lequel il ne peut pas demander à être remboursé. Si le compte courant est « bloqué », par une convention de blocage, un régime fiscal de faveur s’appliquera.

Également, la cession de titres n’entraînera pas automatiquement la cession du compte courant. Le cédant pourra donc en demander le remboursement.

Finalement, si l’associé qui a consenti une avance en compte courant accepte que celui-ci reste « bloqué » pendant une certaine durée, la société bénéficie ainsi d’une amélioration de ses ratios financiers, puisque dans une telle hypothèse les banques incluent le montant du compte-courant bloqué dans le calcul des « quasi-fonds propres » de la société, considérant qu’il ne s’agit plus d’une dette à court terme, mais au contraire d’une avance de trésorerie pérenne.  

  • La centralisation de trésorerie par la convention (dite d’omnium ou cash-pooling) permet aux sociétés d’un même groupe de mettre en commun leur disponibilités financières afin de les répartir en fonction des besoins de chacune et donnent mandat à la société mère d’encaisser les créances et de régler les dettes des autres sociétés.

Dans ce cas, chaque société devra donner mandat à la société dite pivot (holding ou entité spécifique) pour assurer la gestion de trésorerie.

Les conventions d’omnium sont généralement considérées comme étant des opérations courantes, ce qui sera apprécié selon les montants et les taux d’intérêts pratiqués.

Comment est rémunérée la personne qui consent une avance en compte courant d’associé ?

En principe, lorsqu’une personne consent à la société une avance en compte courant d’associé, cette personne sera rémunérée par des intérêts :

  • durant toute la durée de l’avance et qui se capitalisent,
  • à hauteur du taux d’intérêt choisi dans la convention de compte courant.

Sur un plan fiscal :

  • Pour la société qui bénéficie du compte courant d’associé, les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu’ils mettent à disposition de la société sont déductibles des résultats imposables de la société dans la limite de la moyenne des taux pratiqués par les banques.
  • Pour les associés personnes physiques, les intérêts entrent dans la catégorie des revenus mobiliers, perçus sont le prélèvement forfaitaire uniqueou intégrés dans l’impôt sur le revenu en tant que produits de placement à revenu fixe.
  • Pour les associés personnes morales, les intérêts perçus par la personne morale seront considérés comme des produits financiers imposables (pour les sociétés à l’IS).

Eviter le redressement fiscal en rédigeant une convention de trésorerie

Selon l’article 111 du Code général des impôts : sont notamment considérés comme revenus distribués :  Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d’avances, de prêts ou d’acomptes.

Pour échapper à une telle qualification, il est indispensable de rédiger une convention de trésorerie qui permettra aux sociétés d’un même groupe de bénéficier de plus de flexibilité dans le flux des capitaux tout en étant protégées fiscalement et juridiquement.

La rédaction d’une convention de trésorerie permet de se prémunir contre d’éventuels litiges et poursuites en posant un cadre clair et précis concernant :

  • le réel intérêt économique de l’avance en trésorerie,
  • la structure prouvant l’appartenance des sociétés à un même groupe,
  • l’existence d’une contrepartie à l’avance en trésorerie telle que la rémunération soit au moins égale à celle obtenue si les fonds avaient été placés dans un établissement bancaire,
  • la protection au risque de non-conformité au droit des sociétés et droit fiscal (par exemple en cas de soupçon d’abus de biens sociaux, distributions illicites de bénéfices),
  • la clarté du patrimoine de chacune des sociétés du groupe (si procédure collective d’une des sociétés du groupe).

La convention de trésorerie échappe aux règles applicables en termes de convention réglementée si les avances en trésorerie constituent des opérations courantes dans des conditions de rémunération normales.

Le prêt inter-entreprises

Depuis 2015 la loi Macron propose aux entreprises de s’accorder des prêts, entre elles, à court terme, dénommés « prêts inter-entreprises ».

A ne pas confondre par le crédit inter-entreprises tel que le crédit client et le crédit fournisseur qui correspondent à des délais de paiement accordés entre partenaires commerciaux.

Qui peut réaliser un prêt inter-entreprises ?

L’entreprise emprunteuse doit remplir les conditions suivantes :

  • c’est une microentreprise avec moins de 10 salariés et un chiffre d’affaire annuel OU un bilan inférieur à 2 millions d’euros,
  • c’est une PME avec moins de 250 salariés et un chiffre d’affaire annuel inférieur à 50 millions d’euros OU un total bilan inférieur à 43 millions d’euros,
  • c’est une entreprise de taille intermédiaire (ETI) avec 250 à 4999 salariés maximum et avec un chiffre d’affaire annuel inférieur à 1,5 milliard d’euros OU un total bilan inférieur à 2 milliards d’euros.

Le profil de l’entreprise prêteuse est strict, elle doit respecter les conditions suivantes :

  • c’est une société commerciale,
  • ses comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes (donc avoir 2 des 3 seuils suivants franchis : 4 000 000 € de total bilan, 8 000 000 € de chiffre d’affaires HT, 50 salariés),
  • elle ne consent des prêts qu’à titre accessoire,
  • ses capitaux propres sont supérieurs au montant du capital social,
  • son excédent brut d’exploitation est positif.
  • sa trésorerie nette est positive.

L'importance de la relation entre les entreprises prêteuse / emprunteuse

Les entreprises qui souhaitent réaliser une convention de trésorerie pour réaliser un prêt inter-entreprise doivent :

  • appartenir à un même groupement ou projet (groupement d’intérêt économique, groupement attributaire d’un marché public ou privé,…),
  • l’entreprise emprunteuse est sous-traitante de l’entreprise prêteuse,
  • l’entreprise prêteuse est une cliente significative de l’emprunteuse (avec des montants supérieurs à 50 0000 euros par an ou représenter 5% du chiffre d’affaires de l’emprunteur),
  • être liées indirectement entre elles, par une entreprise tierce dont elles sont clientes ou fournisseurs significatifs (mêmes seuils cités précédemment),
  • l’entreprise prêteuse a consenti une concession de licence d’exploitation d’un brevet, d’une marque, d’une franchise ou une location-gérance à l’emprunteuse.

Comment rembourse-t-on le prêt inter-entreprises et comment est rémunérée la personne qui consent à une avance en compte courant d'associé ?

La réponse à ces questions se trouvent dans la rédaction contrat de prêt ! Chaque prêt inter-entreprises doit faire l’objet d’un contrat de prêt, qui sera déclaré au service des impôts (SIE) dans un délai d’1 mois après de sa conclusion.

Ce contrat, soumis, selon les cas, à l’article L225-38 ou à l’article L223-19 du code de commerce, devra être rédigé en prenant en compte :

  • La durée (maximal de 3 ans),
  • Le taux d’intérêt déterminé par les parties pour rémunérer l’entreprise « prêteuse »,
  • Toutes les conditions qui peuvent être contrôlées par l’administration fiscal
  • Les prêts que l’entreprise emprunteuse peut se voir octroyer par une même entreprise, au cours d’un même exercice comptable, ne doit pas dépasser le plus grand des 2 montants suivants :
  • 5 % du plafond précédent ou
  • 25 % du plafond précédent, dans la limite de 10 000 €.

NB : Les montants des prêts doivent être communiqués dans le rapport de gestion de l’entreprise.

Les principaux avantages de ces solutions alternatives aux prêts bancaires​

  • Ce sont des financements qui ne nécessitent pas d’augmentation de capital donc sans formalisme lourd (uniquement la rédaction d’une convention de trésorerie ou d’un contrat de prêt), et sans risque de dilution des associés.
  • Ils présentent une alternative à l’intervention de la banque donc sont plus simples et souvent plus rapides à mettre en place, et sans prise de garantie bancaire.
  • Le taux d’intérêt d’« emprunt » est librement déterminé et le versement d’intérêts est déductible du résultat imposable de la société (dans la limite du taux de référence).

Pourquoi consulter un avocat pour mettre en place des alternatives au prêt bancaire ?

Pour vous assurer la rédaction de la convention de trésorerie ou du contrat de prêt inter-entreprise.

La convention de compte-courant et la convention de trésorerie, rédigée par votre avocat permettra de déterminer le montant, la durée, le taux d’intérêt (comme indiqué supra), les modalités de remboursement du prêt, les éventuels abandons des avances effectuées, etc.

Les intérêts servis aux associés ou à la société prêteuse doivent être déclarés annuellement aux services fiscaux. 

A noter également qu’en l’absence de convention écrite, la rémunération du compte courant pourrait être remise en cause par l’administration fiscale.

Pour toutes ces modalités, n’hésitez pas à nous contacter.

Ces différents modes de financement alternatifs fonctionnent souvent très bien pour renforcer la trésorerie nécessaire au besoin en fonds de roulement.

Pour les besoins d’investissement, le financement bancaire doit rester le principe afin que la trésorerie du groupe ne soit pas indisponible sur le long terme ; alternativement les sociétés peuvent avoir recours à différentes méthodes de recapitalisation qui feront l’objet d’une prochaine newsletter.

By Grégory LEFEBVRE & Juliette GIORIA

Grégory Lefebvre

Maître Grégory LEFEBVRE et son équipe vous conseillent et vous accompagnent  afin de mettre en place ces alternatives efficaces au prêt bancaire pour financer votre entreprise. 

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